Quotidiens chez les primates ou le retour de Don Quichotte

Extrait...
III
Comme chaque soir, ou presque chaque soir, je m’occupe de ma fille, les devoirs, le repas. L’homme aussitôt rentré, va sous la douche, normal il a travaillé, moi je la prendrai après.
Après quoi, je ne sais plus. Bref, il sort de la salle de bains, dans un boubou Marocain digne de ce nom. Je dis un parce que ce n’est pas forcément sa tenue de soirée quotidienne. 
Des fois ça lui prend il enfile ce costume, qui en ferait peut-être en pâlir certaines. A part être un remède contre l’amour, je ne vois pas vraiment où se trouve l’homme là dedans. Quoique ; une main bien maligne saurait sans doute y trouver son bonheur. Je n’ai pas tenté de chercher, l’inspiration ne m’est pas venue, le boubou n’a pas eu l’effet souhaité. 
Les mains dans la vaisselle, je m’efforce de gratter la casserole, laissée dans l’évier le matin. Avec un sourire coquin, il vient se coller contre moi. Il se frotte lentement, glousse, marmonne, le grand boubou a des envolées, quand je sens une petite chose en liberté. Serait-il nu sous sa cape ? La casserole résiste. Il persiste. Mais c’est un Pic c’est un Cap c’est un Roc. Que dis-je une péninsule. 
Elle va y passer c’est sûr, je redouble de vigueur, il s’éloigne. J’ai eu raison de la casserole, je prépare le repas, pendant que monsieur se détend. Normal il a travaillé, moi je me détendrai après. Après quoi je ne sais pas. Enfin si, après la vaisselle. 
C’est dingue ce que l’on peut passer comme temps avec les mains dans l’eau. La cuisine serait à la femme, ce que le canapé est à l’homme. Il n’y a rien de féministe là dedans, sauf que parfois j’aurais bien aimé m’évader sur une péninsule. Sans le boubou...
Toujours est-il que le temps passe, le repas, avec en bruit de fond les dernières catastrophes, suffit à mettre un terme à une éventuelle discussion. Entre passe moi le sel ou maman j’en veux plus, je demande si monsieur serait éventuellement là demain pour aller chercher la petite. 
Non, il a une réunion importante, pourquoi, je ne suis pas là moi ?
Retour à la cuisine, la vaisselle, les mains dans l’eau, ah non, d’abord la petite. Une histoire, un câlin, la chanson du soir c’est son père. Elle l’appelle mais les informations ne sont pas finies. 
Tiens c’est étrange ce soir il ne râle pas.
Je vais pouvoir souffler un peu, après la vaisselle. 
J’entends un bruit. Il déplie le canapé-lit du salon. Et là, je me dis “allez encore une soirée télé !”. Je termine et je vais prendre une douche, quand il me demande, si je veux regarder la télé, y a pas grand chose alors c’est comme je veux...
Eh bien... là comme ça tout de suite j’en sais rien.
Sous l’eau chaude, je m’égare.
Il arrive torse nu en jean, m’enlace, me plaque contre le mur, ses mains sur mes hanches parcourent mon corps, ses lèvres chaudes m’embrassent, il maintient mes mains au-dessus de ma tête... 
Merde y a plus d’eau chaude !!! D’ailleurs il n’y a pas plus de chippendale.
Douche froide. 
En sortant de la salle de bains j’entends de la musique dans le salon. 
Des bougies, une lumière tamisée et... l’homme étendu dans son somptueux boubou... 
Intérêt ou pas selon chacun, les préliminaires chez les primates évolués, je ne parle pas des primates primaires, je vous laisse le soin d’en faire vous même la différence. ont ce quelque chose d’intéressant dans leur comportement qui en font un être prévisible, voire totalement prévisible. 
A ce petit jeu la surprise n’est plus de mise, et préliminaire ou pas, la compagne du primate adhère totalement aux assauts curieux de son homme. 
Est-ce pour avoir la paix ? Sont-ce là les délices de l’extase dont elle se contente ?
A chacun son truc.
Chez le primate évolué dont la vie de couple a déjà quelques années d’expériences, différentes approches pour tenter de séduire, qu’est-ce que je dis, pour tenter de faire savoir à sa belle, que sa virilité et son désir, n’ont pas d’égal à l’amour qu’il lui porte. sont de véritables prologues pour une nuit d’ivresse et de plaisir.
Il paraît que les primates ont des comportements, qui n’ont pas été inventés par un raisonnement intellectuel, comme c’est le cas pour l’homme. Là je m’interroge, je serais donc passée à côté de quelque chose. Ou bien l’homme en boubou serait-il un primate non avoué ?
Et si j’avais soulevé le boubou ?
Cela ne m’aurait pas plus avancé que ça. Est-ce que j’avais envie de tout plaquer ? Oui. 
Est-ce que je l’ai fait ? Non. Pas tout de suite. Les choses ne se font pas comme ça. Enfin, si j’avais été honnête avec moi même, je serais partie ce jour là. Sans un retour. Un aller simple pour ailleurs. 
Pourquoi faut-il que les choses changent, quand les années de vie commune s’accumulent ? 
On apprend à se connaître puis on se dévoile tel que l’on est vraiment. Finalement, on ne montre jamais le vrai côté de soi. 
Ou bien est-ce le plaisir, de se laisser aller dans un doux cocon familial ? 
La belle est conquise, plus d’effort pour la séduire, on s’installe puis ainsi va la vie. Ou bien.
Le mâle est conquis, plus d’effort pour le séduire, on s’installe puis ainsi vont les jours.
Ce serait malhonnête de dire, qu’il n’appartient qu’à l’homme, d’entretenir la séduction. La gent féminine a son lot de responsabilité, dans l’installation d’un quotidien, sans saveur, sans surprise.
D’où la réflexion : et si l’homme ne perdait pas ce côté primate que l’on découvre au début d’une relation, la femme ne se laisserait pas aller à ces “j’ai la migraine ce soir”? Ou bien, quelque chose me dit, qu’il y a en ce monde un homme pour une femme, et une femme pour un homme.
Autrement dit, les couples qui se forment, pensent avoir trouvé leur moitié, alors que pour la plus part, il s’agit d’un coup de foudre. D’ailleurs trouver sa moitié est une expression plutôt réductrice de sa personne. Il ne s’agit pas de trouver ce qui nous manque, mais de rencontrer celui ou celle qui est le reflet de qui on est.

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